L’œuvre transformative peut être qualifiée d’œuvre composite, définie à l’article L. 113-2 du Code de la propriété intellectuelle comme « l’œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière ».
L’œuvre composite est la propriété de l’auteur qui l’a réalisée, sous réserve des droits de l’auteur de l’œuvre préexistante. Ainsi, l’autorisation de l’auteur de l’œuvre première est obligatoire (sauf si cette dernière n’est plus protégée par le droit d’auteur) et peut s’accompagner d’une exigence de rémunération. En outre, l’auteur de l’œuvre transformative devra respecter le droit moral de l’auteur, et notamment ne pas porter atteinte à l’intégrité de l’œuvre première. En cas d’utilisation sans autorisation, l’auteur de l’œuvre composite s’expose au délit de contrefaçon.
Un droit d’auteur difficilement applicable en pratique
Le mashup étant – pour le moment – assimilé à une oeuvre composite, les créateurs d’oeuvres transformatives sont contraints de solliciter l’autorisation de tous ceux (compositeur, parolier, réalisateur, scénariste, dialoguiste, éditeur, producteur, etc.) qui peuvent détenir un droit sur les œuvres qu’ils réutilisent. Un processus souvent laborieux, d’autant que comme le souligne Pierre Lescure dans son rapport sur l’Acte II de l’exception culturelle, « les accords passés entre les sociétés de gestion collective ne permettent pas, en l’état, de sécuriser ces pratiques« .
En conséquence, de nombreux mashups ou remixes, dans le domaine musical ou audiovisuel, sont réalisés dans l’illégalité.
Les œuvres transformatives pourraient-elles alors inscrire dans le cadre d’une exception au droit d’auteur ? Une partie de celles-ci vise à favoriser une forme de « liberté créative » en autorisant, dans certaines conditions, la reprise d’œuvres protégées. Ainsi l’exception de parodie et l’exception de courte citation permettent dans une certaine mesure d’emprunter à une œuvre originale pour créer une seconde œuvre. Cependant, ces cadres ne sont pas réellement adaptés à la pratique du mashup :
- Les œuvres transformatives n’ont pas toujours de finalité humoristique, condition de l’exception de parodie ;
- L’exception de courte citation ne s’applique que très difficilement en dehors du champ littéraire et reste soumise au respect de plusieurs conditions telles que l’identification de la source, la brieveté de la citation, la finalité critique, polémique, pédagogique, scientifique ou informative.
Le rapport du CSPLA donne quelques pistes… et renvoie au législateur européen
Face à ces difficultés d’applications du cadre juridique, le CSPLA a fait plusieurs propositions afin d’adapter celui-ci à une pratique aujourd’hui extrêmement répandue.
Les principales recommandations sont les suivantes :
- Garantir un accès effectif aux « matériaux créatifs » en accroissant notamment les modes d’information sur les droits ;
- Reconsidérer les exceptions existantes à l’échelle nationale et européenne pour en préciser les contours au regard des créations transformatives ;
- Reconnaître de manière explicite les droits des auteurs des œuvres transformatives ;
- Accompagner et poursuivre la réflexion sur la mise en place de solutions contractuelles et légales relatives à la diffusion d’œuvres par des « amateurs ».
Notons que si le rapport du CSPLA n’envisage pas la création d’une nouvelle exception – qui autoriserait la reprise d’une œuvre originale pour créer une œuvre transformative sans l’autorisation de l’auteur – les auteurs proposent toutefois de reconsidérer, lors de la révision de la directive 2001/29 relative aux droits d’auteur, les conditions de l’exception de citation « sans toutefois l’étendre de manière vague aux créations transformatives, sans en préciser les finalités ».
L’ouverture de l’exception de citation devrait être opérée « au plan européen » et ne pourrait pas « être envisagées de façon unilatériale par les pouvoirs publics français », précisent-ils.